L'autofocus à contraste de phase

L'autofocus est le dispositif qui permet de réaliser automatiquement la mise au point sur un appareil photographique. Il en existe plusieurs types qui se divisent en deux catégories : les autofocus actifs, trouvés couramment dans les appareils compacts, et les autofocus passifs, généralisés sur les appareils réflex. Dans cette dernière catégorie, c'est le type dit à contraste de phase ou à détection de phase qui est le plus courant dans les réflex. Je vais essayer dans cette page d'en décrire le fonctionnement.

Plan

Et dans une autre page :


Les systèmes télémétriques

Avant de parler d'autofocus, on va faire un détour par un type de système de mise au point plus ancien et qu'on trouve encore dans certains appareils haut de gamme, notamment le Leica M. Il s'agit des systèmes de mise au point par télémètre. Le principe fondamental du télémètre consiste à utiliser deux systèmes optiques pour faire deux images d'un même sujet à partir de deux points de vue différents. La figure ci-dessous illustre très schématiquement un tel dispositif.

Dispositif télémétrique

Nous avons ici deux systèmes optiques qui réalisent l'image d'un sujet sur deux écrans différents. Lorsque le sujet s'approche (il passe de A à B), l'une des images se décale dans un sens (A' -> B') et l'autre dans l'autre sens (A'' -> B''). En comparant la position des images sur les deux écrans on peut donc connaître la distance entre le sujet et l'appareil.

Dans la pratique les images ne sont pas réalisées sur des écrans mais en tant qu'images virtuelles dans le viseur. La comparaison des positions se fait grâce à un jeu de miroirs qui permet de superposer les deux images. Je ne rentrerai pas plus dans les détails des systèmes télémétriques car seul le principe fondamental exposé ci-dessus nous intéresse pour l'étude des autofocus à contraste de phase.

Mise au point à travers l'objectif

L'autofocus utilise le principe du télémètre pour faire la mise au point à travers l'objectif de prise de vue. On peut se demander comment il est possible d'utiliser ce principe alors qu'on dispose d'un seul objectif, et non de deux, comme dans un vrai télémètre. La solution consiste à considérer l'objectif comme étant constitué de deux moitiés, chacune d'elles pouvant être considérée comme l'une des « fenêtres » du télémètre.

Pour simplifier les choses, on va considérer à partir de maintenant que le sujet est une source lumineuse ponctuelle située dans l'axe de prise de vue. La figure ci-dessous montre l'image que donne un objectif d'une telle source ponctuelle lorsque la mise au point est bonne (en B) et lorsqu'elle est décalée dans un sens (en A) ou dans l'autre (en C).

Faisceaux passant par chaque moitié de l'objectif

Ici on a utilisé deux couleurs différentes pour distinguer les faisceaux qui passent par chaque moitié de l'objectif. À droite de chaque schéma on voit l'image de la source ponctuelle telle qu'elle apparaît sur l'écran (ou le film, ou le verre de visée). Il convient de remarquer que :

Si vous avez un filtre bicolore vous pouvez observer ces images. Il faut pour cela disposer d'une source de lumière intense quasi-ponctuelle. Par exemple le reflet du soleil sur une boule métallique. En plaçant le filtre sur l'objectif d'un appareil réflex et en observant la source quasi-ponctuelle dans le viseur en mise au point décalée, vous verrez un disque bicolore comme ceux dessinés ci-dessus. En décalant la mise au point dans l'autre sens vous verrez les couleurs du disque s'inverser.

Imaginez que nous ayons un moyen de distinguer la partie de l'image produite par chaque moitié de la lentille, tel que schématisé par les couleurs sur la figure ci-dessus. Un tel moyen pourrait consister par exemple en un jeu de volets masquant alternativement chacune des moitiés. On pourrait alors réaliser un système de mise au point automatique fonctionnant de la façon suivante :

Il reste à voir comment on peut s'y prendre pour distinguer la partie de l'image formée par chaque moitié de la lentille.

Diviser le faisceau

La solution adoptée consiste à séparer les deux moitiés du faisceau lumineux à l'aide de deux optiques situées derrière le plan du film. La figure ci-dessous représente un agrandissement de la région où se forme l'image. L'écran a été retiré et seule une ligne pointillée représente la position théorique du film. Derrière ce plan se trouve un masque opaque muni de deux lentilles qui recueillent chacune une portion du faisceau. Chacune des lentilles projette l'image de la portion centrale du plan film sur une barrette CCD. Dans la suite j'appellerai couple télémétrique une telle paire de lentilles. Attention : ce terme est sorti de mon chapeau. Je ne sais pas s'il existe un terme consacré.

Faisceau divisé par des lentilles secondaires

Lorsque la mise au point est correcte (en A), chaque sous-faisceau est focalisé au centre du CCD correspondant (centre matérialisé par un petit trait horizontal sur la figure). Lorsque la mise au point est mauvaise (en B), les images sur les CCD sont étalées, mais le plus important c'est qu'elles sont décalées par rapport au centre du CCD. Dans cet exemple, l'image recueillie par le CCD du haut est décalée vers le bas et réciproquement. Si l'erreur de mise au point était dans l'autre sens les décalages seraient inversés.

Lentille de champ

Le seul problème qui reste à résoudre est celui de l'étroitesse du champ couvert par le détecteur de mise au point au niveau du plan de l'image. La figure ci-dessous montre ce qui se passe si la source ponctuelle ne se trouve pas tout à fait dans l'axe de prise de vue mais légèrement décalée.

Obscurcissement d'un CCD pour une source décalée

Comme on peut le constater, lorsque l'image sur le plan film se décale vers le haut, les images sur les CCD se décalent vers le bas. Le problème est qu'en décalant le faisceau de lumière vers le haut, la lentille du bas du couple télémétrique ne reçoit presque plus de lumière. On peut remarquer que la lumière qui forme l'image sur le CCD du haut provient de la région centrale de l'objectif, alors que celle qui arrive sur le CCD du bas provient de l'extrême bord de celui-ci. Si on décalait la source un petit peu plus, où si l'ouverture de l'objectif était un peu plus étroite, le CCD du bas ne recevra plus de lumière du tout et serait donc complètement obscurci.

Pour éviter ce problème on place dans le plan du film (ou très proche de celui-ci) un masque opaque avec une lentille dite lentille de champ. Cette lentille n'aura aucun effet sur l'image qui se forme dans son plan, mais elle permet de mieux concentrer la lumière sur les lentilles du couple télémétrique. Idéalement, la lentille de champ doit former l'image de la lentille principale (celle de l'objectif) sur le plan du couple télémétrique.

La lentille de champ permet d'éviter l'obscurcissement

Comme on peut le constater ci-dessus, même lorsque la source se trouve à la limite du champ couvert (image secondaire sur les bords des CCD), le couple télémétrique est éclairé sur toute la surface des lentilles. On remarque aussi que les deux CCD se partagent symétriquement la lumière provenant de la lentille frontale, même quand la source est décalée.

Sujet non ponctuel

Le sujet consistant en une source ponctuelle est un cas d'école, mais il permet de calculer ce qui se passe pour un sujet réel. En effet, on peut considérer un sujet réel comme une infinité de sources ponctuelles infiniment faibles et ajouter la contribution de chacune de ces sources à l'image finale. Si le procédé consistant à ajouter une infinité de quantités infiniment petites peut paraître saugrenu au premier abord, c'est un mode de calcul extrêmement standard qu'on appelle calcul intégral.

La figure ci-dessous montre le profil de luminosité recueilli sur le CCD avec une source ponctuelle lorsque la mise au point est bonne (en B) ou décalée dans un sens ou dans l'autre (en A et en  C). Chaque couleur représente la mesure d'un CCD et le noir signifie que les deux CCD mesurent la même chose.

Profil de luminosité donné par une source ponctuelle

On constate encore une fois que lorsque la mise au point se décale :

En guise de sujet plus réaliste, on va considérer un contraste clair/sombre. Dans la figure ci-dessous, la courbe B représente à la fois le profil de luminosité du sujet et celui recueilli sur les CCD lorsque l'image est correcte. Les deux autres courbes représentent encore une fois des mises au point décalées.

Profil de luminosité donné par une un contraste clair/sombre

On voit que lorsque la mise au point se décale :

Ce qu'il faut retenir est que pour un sujet non ponctuel les profils de luminosité recueillis par les capteurs sont quelconques, puisqu'ils correspondent simplement au profil de luminosité du sujet. Par contre, le fait que le décalage entre les deux images correspond à l'erreur de mise au point reste vrai quel que soit ce profil. Le travail de l'électronique va donc être de mesurer le décalage entre les deux courbes. Ce décalage est parfois appelé différence de phase, d'où le nom donné à ces systèmes de mise au point.

AF multi-capteurs

Une fois acquis le principe de la lentille de champ, on peut l'utiliser pour réaliser un AF multi-capteurs. Il suffit de mettre dans le plan du film autant de lentilles de champ qu'on veut de capteurs. Chaque lentille de champ occupe la place qu'on veut attribuer à l'un des capteurs et produit l'image de l'ouverture de l'objectif sur un couple télémétrique. Chaque couple télémétrique produit l'image d'une lentille de champ sur une paire de CCD. On a ainsi autant de dispositifs indépendants que de lentilles de champ.

AF à deux capteurs

Dans cet exemple les rayons lumineux sont dessinés pour un sujet se trouvant dans la moitié supérieure du capteur inférieur. Comme on peut le voir ici, les CCD du capteur supérieur ne reçoivent pas de lumière en provenance de ce sujet. Les deux capteurs travaillent donc de façon indépendante l'un de l'autre.

Pour un exemple plus réaliste, on va considérer trois capteurs disposés en H. Certains modèles Minolta ont utilisé une telle disposition. Plutôt que de montrer un schéma en coupe, la figure ci-dessous montre ce qui se trouve dans les différents plans intéressants.

AF multi-capteurs

A : repères de mesure et de mise au point au centre du viseur ;
B : lentilles de champ dans le plan-film ;
C : plan des couples télémétriques ; chaque disque hachuré est l'images de l'ouverture de l'objectif par la lentille de champ portant les mêmes hachures ;
D : plan des CCD.

Disposition réaliste

Dans la pratique, vous vous en doutiez, les capteurs AF ne se trouvent pas vraiment derrière le plan du film mais derrière un plan qui lui est optiquement équivalent. La figure ci-dessous montre une coupe de la cage du miroir d'un boîtier avec une disposition réaliste des capteurs AF. Le film est représenté en rouge, le miroir et le verre de visée sont en vert, l'optique de l'autofocus est en bleu.

disposition de l'AF dans l'appareil

Ici une partie du miroir de visée est semi-transparente. Ceci permet de laisser passer une certaine proportion de la lumière incidente vers un deuxième miroir, plus petit, fixé au miroir de visée. Ce deuxième miroir renvoie la lumière vers la lentille de champ qui est à la base de la cage. Un troisième miroir renvoie à nouveau l'axe optique à l'horizontale vers le couple télémétrique et les capteurs CCD.

Références

Je n'ai pas trouvé grand chose sur le Web à ce sujet, sinon je n'aurais pas écrit cette page... signalons toutefois :

Et en livres :

Et pour la pratique...

Afin de voir à quoi cela ressemble en pratique, je me suis essayé au démontage d'un module AF. J'ai mis le résultat dans une autre page :

Attention : la page en question est un peu lourde pour cause de nombreuses images.


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